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Aujourd’hui la réalité de la T.V : « Toddlers & Tiaras » ou mes gamines font du Prom




C’est  un mix entre « Pimp my ride» pour la customisation à outrance  et «l’école des fans » pour les prestations des Kids, sauf que pour aller voir Jacques Martin, les gamins n’avaient pas l’obligation de porter un dentier pour combler les bracos de la petite sourie, et encore moins de pointer au Point soleil tout les 3 jours.
Bienvenue dans la TV réalité qui accueille les bras ouverts ces mamans vivants par procuration les concours de beauté auxquels elles inscrivent leurs mômes tout les week-end. « Toddlers & Tiaras »,  c’est Pimp my kids sans la voie grave d’X-Zibit, ni la bienveillance de Geneviève de Fontenay pour chapeauter des gamines de 3 mois à 9 ans aux cheveux brulés par les permanentes. Ces enfants en bas âges grandissent aux rythmes des défi-défilé, des regard mi-coquin / mi-mutin, des faux cils et des ajouts de cheveux. Autant de prothèse devant leur garantir le saint Graal : le Diadème.
On plonge donc dans l’univers de la gagne, des répétitions de chorée en costume de Cléopâtra, mais surtout des pleurs à la sentence des juges briseur de rêves et de parents donnant l’impression qu’ils maitrisent le développement de leur mioche.

Mais les images ne sont pas là par hasard, et donc, de quoi  » Toddlers & Tiaras « est-il l’image ?

Tout d’abord de ces enfants customisés par la volonté de leurs parents et qui nous annoncent l’ère de la Kate Mossisation des corps et des esprits dans une compétition effrénée vers l’uniformisation de la beauté.  Lors des concours de beautés, les Beverly et Meaghan sont toutes de mini « Brindilles » témoignant de leur transformation en Barbie Model, avatar de notre société du show off.  En effet, le concept du show est simple, puisque nous suivons des parents et leurs progénitures sur le chemin des concours de beautés pour « très, très » jeunes filles permanentées et souriantes.

On assiste aux étapes successives d’over looking de ces gamines portant le désire des parents mais surtout victime de la standardisation du comportement corporate loin de l’innocence de leur âge. Mutation en direct et troublante hybridation des corps qui transforme la jeunesse innocente en contrainte standardisée pour ces petites filles devenues lolita. « Toddlers & Tiaras » nous rappelle avec urgence que nous n’avons plus le choix qu’entre une vie échangeable, stylisée, relookée et coachée, et une vie sans style, sans valeurs et sans glamours.  Devant notre écran nous sommes tous des mannequins anglais…

Toddlers & Tiaras rend également visible le cannibalisme de parents qui veulent orienter la destinée de leurs enfants. Ainsi ces parents croient pouvoir influencer le devenir de leurs  » petit monstres » en les façonnant. Du Beauty Pageant au CD de « Mozart pour les tout petits »,  même combat : maitriser le développement de son enfant. Mais quelle est la véritable influence des parents sur la personnalité de leurs enfants au delà des faux cils et des ajouts de cheveux.  A la lecture de la Early Childhood Longitudinal Study ( ECLS),  il devient évident que ce n’est pas ce que les parents font, mais bien qui ils sont qui influencera le devenir de ces  » Bout de Choux ». Ainsi les résultats scolaires ne sont liés qu’a certains facteurs dont voici le Top 3:
1.    Les parents ont reçu une éducation supérieur
2.    Les parents appartiennent à une CSP +
3.    La mère avait plus de 30 ans quand elle a eu son premier enfant

Si « Toddlers & Tiaras » nous laisse croire que des parents peuvent influer sur le vie de leur progéniture via des mères frustrées de n’avoir pas été invitées au bal de fin de promo 20 ans auparavant, c’est pour mieux nous faire oublier que seul la maille compte et qu’elle est l’unique diadème synonyme de réussite. Seul les plus fortunés pourront se payer le dentier qui transforme le sourire aérée de votre gamine de 5 ans en sourire Ultra Brite à la Benny B.

L’économie comme mur indépassable. Bourdieu en filigrane. Les héritiers dans ta face.

Et la prochaine fois que l’on vous rétorquera qu' »It’s the economy, stupid » grâce à  « Toddlers & Tiaras » vous pourrez répondre que c’est bien en cela que c’est politique.

Et certains pensent encore qu’il ne s’agit que de TV.

Note ;
« Little dolls »par  Alain Delorme,
« Kate Moss Machine », par Christian Salmon
«  Freakeconomics  »,   par Steven D Levitt et Stephen J Dubner
« Pourquoi nos enfants deviennent ce qu’ils sont : De la véritable influence des parents sur la personnalité de leurs enfant »,  par Judith Rich Harris (Auteur),

Aujourd’hui la réalité de la T.V : « Addicted », Nous sommes tous en pleine montée

C’est un mix entre « Super Nany» pour le coaching de l’extrême et «Confession Intime » pour les révélations chaudes larmes devant la handy-cam, sauf que les gamins sont devenus grands, tètent la bouteille de vodka à grande lampée et biberonnent des pipes de meth’ avant de se coucher. Un rototo et au lit. Bienvenue dans la TV réalité qui accueille d’anciennes cheerleaders devenues mères trop tôt dévissant avidement la porte du frigo cadenassée à la clef de 12 pour s’enfiler la bouteille de 2 litres de vodka et finir avachie sur la table de la cuisine le visage déformé.

On plonge donc dans l’univers glauque des dépendances les plus profondes, celles qui vous font oublier le Réel, celle qui vous font vous réveiller sur la moquette ou danser contre un mur, celle qui transforme Enrique Eglias en Joe Strummer et vous font confondre vos toilettes avec votre dressing. Les toxicomanes de toutes sortes seront coachés par une Super Nanny les épaulant pour atteindre cette rédemption lumineuse, le firmament du clean.TLC mettant au passage les deux mains dans un voyeurisme trash, loin du talent du Gonzo de Selby Junior, filme en gros plan et en séquence la prise de substance illicite et ses conséquences.

Mais les images ne sont pas là par hasard, et donc, de quoi « Addicted est-il l’image ?

D’un apéro géant qu’on regarde sans s’interroger sur ses causes mais en dénonçant ses conséquences car par fainéantise on ignore le mal pour se pencher sur ses symptômes. Or comme le rappelle Addicted, si la prise se fait en solo, elle est également l’occasion de la création de commun suite à une long cérémonial dans lequel, on brûle, on émiette, on échange les gestes, on transmet les tips. En effet le „pour faire comme et avec les autres“, ce besoin d’identification et d’appropriation à une communauté devient flagrant. Mais l’étiologie n’intéresse que trop peu. Et nous voilà sans nous en rendre compte en train d’applaudir les thèses sécuritaires alors que notre petite sœur engrange les rails de coke au son des Crystal Castle, que comme un Francais sur 4 vos parents roulent aux antidépresseurs, et que papy comme 54 % des hommes est dans la Red zone des consommateurs couperoses à risque. Tous pour le Narco populisme qui impose les test d’urine et nourrit la délation.

Addicted souhaite donc révéler et illustrer les ravages des « substances accélératrices », de la déchéance de ceux qui n’ont pas de volonté, et donc en creux de la nécessaire répression afin de canaliser les déviances propres à l’Homme. Cette émission nous donne donc à voir l’« homo sacer » d’Agamben, l’exclu, celui que l’ont peut sacrifier sans risque. Celui qui à l’ère de la global surveillance, n’est pourtant plus confronté à l’État mais à la prod d’une émission venue cannibaliser sa dépendance en dealant ses images borderline sur les network. Celui qui est au Ban, exclu de sa propre citoyenneté. En effet, l’homo sacer est «un homme qui est mort», il est «hors la loi, ou en dehors de la loi». Il est exclu de la communauté religieuse et de la vie politique réduite à 35 mn de programme sur une chaîne du câble. Ce Ban-dit est en dehors de la communauté, en étant « à la fois à l’extérieur et à l’intérieur », pour en quelque sorte« être enfermé dehors». Nous voilà spectateurs de ceux que l’on ne regarde pas d’habitude, ces parias, ces morts vivant réveillés des fosses. Et c’est alors que l’absorption de drogue rend caduque l’accès des sans part à ce qui pourtant leur est dû. Aux heures de grande écoute, nous voilà témoin du sacrifice de ceux qui n’ont plus d’importance politique.

Mais face à ce sacrifice en direct « Addicted » a la vertu première de nous faire oublier nos propres addictions, nos dépendances. Devant cette prise d’hero en direct, on relativise les 10 heures d’attente pour l’achat de son Ipad, devant cette bouteille de vodka descendue en 3 gorgées. On oublie notre grille de Loto que l’on valide machinalement tous les mercredi soirs, on néglige notre consommation frénétique de séries et notre fusion charnelle aux réseaux sociaux, autant de compulsions nous permettant de prendre de la distance avec un Réel menaçant.

« Addicted » en nous montrant des toxicos en mode zombie nous permet de poser un voile sur notre monde d’intoxiqué de suburb, où chacun cherche son filtre par rapport à la réalité, par rapport à l’autre afin de se réconcilier avec un monde par trop menaçant. « Addicted » prône donc un monde de straight edge ou ne maîtrisant plus nos pulsions nous voilà réduits au non merci.

Un monde vert pâle qui roule à la bière sans alcool mais qui encourage le consomateur pulsionnel.

Et certains pensent encore qu’il ne s’agit que de TV.

Note :

Gilles Chatelet, Les Animaux malades du consensus, recueil des textes politiques, édition établie par Catherine Paoletti, Éditions Lignes, 2010

Giorgio Agamben, Homo Sacer II, 1. État d’exception, traduit par Joël Gayraud, Paris, Seuil, 2003

Mehdi Belhaj Kacem, La Psychose française, les banlieues : le ban de la République, éd. Gallimard