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Banksy et Saâdane Afif : We own the night

« On écrit sur les murs

 La force de nos rêves

Nos espoirs en forme de graffitis

 On écrit sur les murs

Pour que l’amour se lève

Un beau jour sur le monde endormi »

« On écrit sur les murs le nom de ceux qu’on aime ». Pas si simple Demis, car on écrit également pour laisser une trace, un écho dans une relation particulière à la postérité. « Nous avons notre maladie mortelle et savons que c’est d’elle que nous mourrons » comme nous le rappelle Thomas BERNHARD. Un post-it sur le frigo, un crayonnage sur le Velléda du bureau, « un comment » sur un Wall.

Banksy et Saâdane Afif interrogent tous deux ce rapport à la trace, tout deux écrivent sur les murs pour la postérité et forcement, questionnent le lieu sanctuaire des expressions d’hier et d’aujourd’hui : le musée. Tous deux, dans deux voies différentes, l’un dans son rapport à l’institution musée, l’autre accédant à la postérité sur 35 mn, pour ses œuvres urbaines par définition éphémères. Les deux prennent la parole intelligemment sur le monde de la culture et laissant une place enrichissante à l’autre, en l’occurrence nous ( NDLR : le spectateur, pas le Manala).

En effet, que ce soit dans la rue pour Banksy ou dans la salle 315 du Centre Pompidou de Beaubourg, ces 2 artistes énoncent sans imposer et nous laisse comprendre et interpréter à travers nos filtres. Jamais péremptoire mais questionnant avec régularité le comment chacun reçoit une œuvre.

 Que ce soit dans « Exit Through the Gift Shop » ou dans « Anthologie de l’Humour Noir » le lieu dit « d’art », est bousculé. Lieux dans lequel les œuvres viennent se donner à voir par décision d’une politique culturelle ou par décision individuelle. Quand Saâdane Afif pose ce cercueil ghanéen reprenant la forme du Centre Pompidou, Banksy accroche ses œuvres dans les musées outre passant le choix du curateur. L’entertainment des grandes expo contemporaines « foires » est également évoqué via le concept d’Ar-tertainment. Art dans un monde multicouche, art comme discipline se jouant aussi en extérieur. Street art pour Banksy qui défit les circuits officiels et la merchandisation à outrance de l’œuvre artistique ou, plus prosaïquement pour Saâdane via l’impact extérieur du bâtiment de Rogers et Piano comme ilot artistique dans l’espace public. Dans les 2 cas on regardera désormais avec distance la gomme Beaubourg, le magnet Duchamp ou la trousse Klein. On préférera l’art vivant de cette jeune garde, à l’art déco nous réduisant à la place de consommateur plus que celle de récepteur.

Les deux artistes assument également le principe de la citation, de l’inspiration buissonnière se targuant ouvertement d’une nourriture extérieur. Ainsi l’apport de l’autre est évident, que ce soit l’art africain ou celui des écrivains ou la notion de réseau undecover des street-artistes, sorte d’international de l’expression libre et clandestine. Mais Banksy explore cependant une autre facette du rapport à l’autre, celle de l’usurpation. Mr Brainwash création de Banksy, devient un Frankenstein effrayant et incontrôlable. Dans les 2 cas, on se sent plus intelligent en sortant de notre rapport à leurs œuvres.

Ces 2 artistes nous donnent à voir la liberté de parole. Celle des street speaker perchés interpellant le citoyen sur l’Agora de Beaubourg ou celle du badaud curieux levant les yeux au ciel et découvrant un pochoir poétique. On met le son à fond de ces 2 ampli, écho qui nous font raisonner et éprouver une pleine liberté face à leurs œuvres.

A l’heure où l’artiste se dédouble pour se regarder froidement « être artiste » dans un jeu cynique au 3eme degré dans une époque qui ne croit en rien, on plonge également allégrement dans l’humour jamais facile tantôt Dada surréaliste mode Breton de Saâdane tantôt mode potache de Banksy. La frontière entre le réel et le virtuel n’est plus, en sortant, qu’une question de point de vue. Et la preuve par l’exemple, plus que la réalité vraie, suffit à la démonstration :

• un cercueil pour hommage

• un producteur d’œuvre au kilo comme on vend des fripes

 2 Artistes bavards, productifs mais dans une forme fondatrice,

2 Artistes se jouant également des murs, des lieux et des institutions,

2 Artistes que l’on espère longtemps créatif sans jamais devoir céder à l’édification de leur propre Nécropole, œuvres boursouflées destinées à la postérité.

2 Artistes pratiquant « l’esth/éthique » dont la visée n’est rien moins que la «survie », c’est à dire ce qui rend la vie plus « quali » que la vie nue, ce qui s’ajoute à la vie et enfin ce qui nous permet de survivre à notre époque. Un bloc de sensations pour un art que l’on rêve pour longtemps dégénéré et vandalisant les codes, règles du jeux et autres conventions.

Note ;

1. Créer – introduction à l’est/éthique – Paul AUDI

2. Brain // http://www.brain-magazine.com/index.phpoption=com_content&view=article&id=4976&catid=95&Itemid=7 3. Vodkalemoni // http://vodkalemoni.over-blog.com/article-l-illusion-comique-ou-comment-banksy-est-un-genie-63486114.html

4. Anthologie de l’Humour Noir, Centre Georges Pompidou, Paris / Du 15 septembre 2010 au 3 janvier 2011

5. Exit Through the Gift Shop 6. Demis Roussos