Archives de Tag: Rap

Back to the Futur : le rap vieillit-il bien ?

Accoudé à la buvette du stade » Lionel D« , un merguez frite et une bière à la main, une question nous taraude en regardant le match des vétérans du Rap : on devrait peut-être mettre le réveil ce samedi matin pour voir s’entraîner les espoirs ?

Pas que les maillots trop serrés pour des corps que le temps travaille et les phases de jeux désormais en slow motion ne nous émeuvent plus, mais il est peut-être temps de s’intéresser à la relève.

En effet, cette musique relativement jeune est en train de passer une étape. Les noms d’hier ne sont plus en gros caractères sur les affiches des festivals estivaux et les tribunes se vident un peu plus chaque week-end. Les matchs ne font plus recette, seuls les jubilés passionnent les foules avides de voir un dernier tour d’honneur des gloires passées. En train de commander la seconde tournée, la réflexion d’un jeune spectateur, un red bull à la main (qui ne peut donc qu’être né après 1990) nous a renvoyé à notre condition vieillissante :  » Messieurs, c’est quoi je danse le Mia ? ».

Il fallait s’en douter, on n’avait pas voulu voir passer les années car AKH porte toujours son survet Adidas devant ses fourneaux, Joey hurle encore devant une foule de publicitaire pseudo trentenaire tutoyant en fait la quinqua, et Rockin ressort le costume du fils prodigue. Les concerts de re-formations de groupe historique (Cliqua, X-men, Sage Po, Express D, 2 Bal… ) et les redditions de disques n’étaient pas là non plus pour aider à remarquer que l’on est désormais un peu moins à l’aise dans son baggi et ce depuis belle lurette ( ndlr : expression de vieux). A la différence de Stress, si ma musique meurt c’est à trop se regarder dans le retro et peu à cause du Pear to Pear.

Aujourd’hui, nos vénères d’hier alimentent, par une drôle d’ironie de l’histoire, la fabrique des rêves pour une reconversion au plein milieu de la mediasphère. Ils sont désormais acteur, présentateur, illustrateur ou designer sonore. Après avoir parlé depuis sa marge, ils sont les bienvenus pour s’exprimer au cœur du système.

Un autre signe qui ne trompe pas quant à la vitalité d’une musique, son savoir devient quasi-universitaire, plus un mariage sans son érudit du rap à votre table, qui collectionne les vinyles compulsivement pour compenser la frustration de ne pas avoir pris le train au bon moment. Tenter de vivre l’instant 10 ans après le grand frisson n’est pas chose aisée. Dialogue d’érudits sur des morceaux produits parfois en 10 min au texte griffonné et aux liaisons hasardeuses plus que dangereuses. Le rap c’est une force brute qui déboite les nuques et qui semble peu compatible avec une analyse gnostique au champagne. Surtout quand on porte une cravates rose fushia.

Après avoir traversé l’électro, clamé son authenticité, revendiqué un territoire sous forme de baronnie, après avoir plongé les deux mains dans les paillettes, roulé en Hummer, avoir promis de ne pas se transformer en Rolling Stones un déambulateur sur scène, peut-on encore faire confiance à ce vieux pote avec qui on a vieilli, qui raconte que des conneries, qui n’est jamais à l’heure, qui arrête pas de se plaindre et qui passe ses soirées à se tartiner de crème anti-âge.

Alors ce samedi, on se lève tôt pour voir les espoirs jouer et arrêter de regarder les 90’s comme l’âge d’or de la trompette en mode release et des caisses claires saccadées :

Et nous voilà devant des joueurs qui portent les maillots prêts du corps, adeptes du style brillant, du pento dans les cheveux et des décrochages de oufs. Certains puisant dans le classique, d’autres dans la pose stylée, ou le mood grunge des blancs.

Alors un conseil, pour renouveler le style, inutile de se mettre à la guitare sèche, et au storytelling « benabardien » : oublie tes reprises et coupe toi la barbiche mec.

On préféra toujours l’authentique old timmer qui a gardé sa foi adolescente bien qu’évoluant dans un monde cynique, réaliste et froid (cf Anvil).

Keep the faith and don t believe the hype floqué sur le maillot du Manala.

Le rap c’était pas mieux avant, c’est vivant, et ça se pratique sur toute surface. En ce moment pour nous, c’est djorky en ZA.

Y a quoi !!!

Y a pas de problème.

Le RAP c’était mieux avant

Le Manala n’est pas de ceux qui reprennent en cœur ce gimmick Francisabrelien plongé dans la nostalgie d’un Hier plus radieux. Certes le Rap n’est pas en très grande forme entre beef miteux, justification perpétuelle et conscience embrumée mais est-ce une raison suffisante pour renier l’essence même du mouvement en participant à la spéculation d’une musique urbaine réservée désormais à une minorité de collectionneurs.

Le rap fut accusé de trahison quand le Bling-Bling fit irruption et avec lui l’imagerie Pimp, les grosses caisses et les seins siliconés. Comment des rappeurs pouvaient-ils s’approprier les attributs bourgeois, trinquant au Crystal une banane Lacoste autour de la taille ?

La vraie falsification d’une époque qui digère toutes les contestations ne se cristallise-t-elle pas dans la flambée des prix des vinyles de HH qui grésillent ?

Les mêmes qui hurlent que le Rap c’était mieux avant sont les fossoyeurs d’une musique réduite à une côte sur le net. On est tous d’accord, le prix du baril de Brent a flambé mais est-ce une raison suffisante pour vendre un album de « Diffrent Teep » à 99 € ?

On pourra nous accuser de remettre en cause la loi de l’offre et de la demande, de la rareté d’un objet qui en définit le prix et vous aurez raison, le marché n’a pas vocation à réguler des idéaux. Alors libre à chacun d’acheter cette musique sur d’autres supports. Mais nous parlons ici de symbole, d’une musique qui, quelle qu’elle soit, doit être basée sur l’échange et le partage et qui est intimement liée aux sillons et à la culture DJ.On rétorquera également que le Rap est né dans la rue comme le Graff et n’est pas fait pour devenir un moyen de reconnaissance pour jeunes Yupies ou galeristes surfant sur la vague sulfureuse d’une culture urbaine ( Attention Prétérition : nous ne parlerons pas de l’usurpation de l’expo « Né dans la Rue » où on vous demande à l’entrée de déposer vos Krink).

Le Rap ne doit pas devenir le signe de reconnaissance d’une classe d’initiés qui n’a pas connu l’énergie des années Hip Hop et des concerts aux groupes électrogènes car maman ne voulait pas qu’ils aillent s’encanailler aux concerts de NTM.  Plus de risque désormais la place est à 99 € (chiffre magique) et t’es DA chez Publicis.

Nous reviennent alors les paroles de Zoxea, musique  » Rap musique que j’aime  » :

 » Dans la vie bébé y’a pas que l’argent et le succès,
Y’a aussi des valeurs telles que le respect, la reconnaissance,
À l’heure où je te rappe je ne rêve que de ta renaissance,
Ton âge d’or quand t’étais hardcore, virais pas d’bord,
En plus t’étais dansante et ça on trouvait ça fort,
Aujourd’hui beaucoup t’écoutent mais peu te comprennent,
Aujourd’hui en ce qui me concerne tes déroutes peu me conviennent »

En définitive c’est pas le rap qui a changé mais bien les hommes qui le font.

Hip Hop Won’ stop.