« Claire dans la nuit autour de la terre errante, lumière venue d’ailleurs »…
Comme chaque année au solstice d’été, fuyant la capitale et ses concerts de reprises ou ses flops overbuzzés à l’ombre du Leviathan, le Manala renoue avec l’authenticité de la fête de la musique et ce en milieu rural.
Migration nécessaire pour renouer avec l’odeur de merguez ketchup, le caramel des chouchou beignets et la douceur du houblon de la bière pression.
Cette année, plus que jamais, la programmation « hosted by Manala 4 KKO » a rompu radicalement avec les dreads, les oooyoyoyo et les « faites du bruit » d’un chauffeur de public fainéant.
L’enjeu premier se résumait alors : le 21 juin peut-il associer événement populaire au public enivré et musique hexagonale exigeante et pointue ?
Ci-dessous, la preuve par 2 :
1. Young Michelin : Les yeux dans les pneus
Sur la grande scène a raisonné les mélodies classieuses de ce groupe cool, qui interprète des chansons pop lo-fi en toute simplicité et en français dans le texte. La veille au Baron, les pulls striés multicolores ont fait ce soir, Place de la Halle aux Blés, le job avec le sourire et grande décontraction, sur une scène dont l’espace a du être apprivoisé. YM a démontré qu’il avait l’envergure d’un groupe de stade, qu’il pouvait prétendre prendre la place vacante de notre Led Zepplin national, sachant mixer urgence, mélancolie et festivité. Il n’en fallait pas plus pour qu’ « une bande de jeunes » envahisse la scène et « enjoy » un final aux accents d’air guitare ou que des grands mères hyper actives kiffent les nappes de clavier et les riff de guitare qui sonnent UK. Sans forcer, le groupe enchaîne, joue le jeu et laisse le public libre de danser ou dondoliner au son du set. C’est frais, doux et sans cynisme, ni pose. Salvateur donc.
Et même si le Bibendum n’est pas prêteur, Young Michelin c’est for ever, avec ou sans locomotive, même s’il se persuade qu’elle l’oubliera.
2. Mondkopf : La galaxie est partout
La soirée s’est poursuivie par l‘odyssée spatiale de Mondkopf.
La musique électronique a toujours été tentée de compenser la solitude de son interprétation par un excès de son et de lumière. Rappelez vous JMJ devant les Pyramides, armé de son clavier Laser. Ce précurseur a ouvert la voie au gigantisme et à la force des images associées à l’irréalité de la musique.
Aujourd’hui le show compte autant que la musique et l’image se porte en écharpe, garante de buzz ou de la dissémination instantanée sur la toile. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, quitte à se rouler dans une identité visuelle provocante sans en maîtriser la teneur. Accent dictatorial, croix lumineuses, clip stressant, image fluo et suicide virtuel, tout est bon pour alimenter les kids qui ne rêvent que de secousses, de vibrations et de communion.
Quand certains s’enlisent dans le flagrant et l’évidence, d’autres partagent leur musique à travers des propositions, à prendre ou à laisser.
Mondkopf est de ces esthètes. Derrière lui, les lignes se succèdent, se mêlent, se croisent et se rigidifient. Une chouette lynchienne nous défigure. La musique se fait vaporeuse et puissante, loin des antipodes du show wagnérien.
Des principes mais pas de dogme, de la poésie et de l’énergie pour interpréter librement une musique sans artifice, profonde au coeur de la première nuit d’été, sur la route des Etangs.
De retour à Paris, on s’enorgueillit d’avoir déplacé le centre de gravité d’une scène musicale contemporaine et éclectique et d’être assez fou pour » fixer le regard sur l’obscurité de l’époque, mais aussi [pour] percevoir dans cette obscurité une lumière qui, dirigée vers nous, s’éloigne infiniment ».
Ces groupes ont été plus que les autres, ponctuels à ce rendez-vous que l’on ne peut que manquer, en vérité, donc nécessaire en réalité.
Et d’annoncer crânement cet été dans la file d’attente d’un camping saturé, un rouleau de papier rose sous le bras : » Yes I’m french, the country where the music really kick and envoie du bois…but I agree with you, we really suck in Soccer, but in fact my mum is Spanish ».
Le chauvinisme et l’élégance du « made in France ».
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