Loin de la figure du thaumaturge ou du vieil homme à la barbe blanche et au compas peint par Blake, les Quistrebert Bros se posent en bâtisseurs et érigent des monuments, s’assurent du bon ordonnancement de chaque élément en les pensant, les réfléchissant et en conceptualisant l’infini des lignes, et des perspectives hypnotiques anachroniques. Du recul nécessaire à la perfection du geste architectural pour plonger dans ces sculptures modernes familières pour les avoir croisées dans les salons de nos grands parents sovietophiles.
Les Quistrebert Bros nous offrent une grille de lecture d’un monde perdu entre scientisme et désenchantement, nous renvoyant à la rigueur d’une pensée, la beauté d’un tracé, l’infini des lignes. Nous voila donc prisonnier d’un labyrinthe duquel il peut sembler impossible d’échapper si ce n’est à brouiller les perspectives et faire éclater les cloisons.
Revisiter le Futurisme d’une fin du monde apocalyptique, et se représenter le layer virtuel posé sur le désert du réel constructiviste. Bâtisseur de cité utopique à la Sim city. Déambulant dans les couloirs souterrains menaçant sans fin de Metroid, jouant avec la quête cosmologique de Zelda.
Florian & Michael Quistrebert nous plonge dans l’abécédaire des formes, le Zohar de l’architecture, le Tetris fondamental des idées et des formes de nos espaces urbains en dévoilant les symboles nous faisant appartenir à un ordre secret, une fraternité rosicrucienne mythique.
Édifier et construire pour dompter son environnement, maîtriser le chaos naturel fait de l’architecture sur toile, l’expression de notre rapport à l’univers, de notre rapport à la vie mais aussi à la mort. Tombe monumentale ou édifice à la gloire de la lumière chaque construction est un édifice permettant aux hommes de se positionner dans un tout.
Mais comme toute expression, l’architecture des Quistrebert connait ses réalisations et ses utopies, monuments disparus ou fantasmés, révolution des volumes non encore achevée ou à venir. Et pourtant le défi est conséquent : s’inscrire dans une temporalité présente en lien avec un passé éloigné et un futur prochain, fusionner les temps hétérogènes pour ne plus dire « mon temps » mais « notre temps ». Nous sommes face aux œuvres des Q Bros pris entre l’ancestrale et le moderne. Nous sommes plongés dans le contemporain donc l’inactuel, car a distance du présent et de son urgence. Ces deux artistes nous révèlent que le contemporain est l’insoumis du présent, il réside dans le delay, la trace en arrière ou en avant du temps. C’est ainsi que nous devenons les archéologues de l’immédiat, car nous gardons la présence de l’origine faisant d’un passé plus riche en futur qu’aujourd’hui.
2012 fin du monde à la gallerie Creve Coeur.
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